l'Egypte, le pays des 4 rentes

L'Egypte est un pays clé au Moyen-Orient en général, et dans le monde arabe en particulier.
Mais ce pays est-il politiquement stable ?
Le président de l'Egypte est en place depuis 1981, cela fait plus de 20 ans. Et ce qui devrait garantir la stabilité, provoque peut-être l'inverse, en faisant le lit des mécontentements du pays, et donc le lit de ceux qui les récupèrent, les mouvements « sociaux islamistes ».
Prenons quelques cartes de l'Egypte pour vous raconter l'histoire de ce pays qui est doté de quatre rentes. ( pour les cartes aller sur le site d'Arte)

L’Egypte, une civilisation
L'Egypte est l'un des plus vieux Etats au monde, il s’organise autour du Nil sur un territoire proche des frontières actuelles.
L'Egypte pharaonique commence en 3200 avant l'ère chrétienne, elle va durer jusqu'à l'époque du Christ où elle passe alors sous diverses influences étrangères : grecque puis romaine, arabe, turque, et finalement anglaise.
La civilisation égyptienne est donc l'une des rares à former une continuité entre la période néolithique et ce qu'on appelle " l'histoire ".
Première rente : Le tourisme
L’Histoire de l’Egypte est l'une des plus longues, elle a laissé un ensemble archéologique et cosmogonique parmi les plus riches au monde.
Ses nombreux temples, pyramides, et ruines ont une fonction de témoignage, mais aussi une fonction économique car ces vestiges attirent chaque année des millions de touristes du monde entier.
Ces rentrées de devises constituent sans doute la première rente de l'Egypte.
La populaltion et ses origines
L’Egypte a une superficie de 1 000 000 km2, et une population de 70 millions d'habitants, à majorité arabe (à 99%). Mais le peuple égyptien fut formé à l'origine :
d’une race dite Hamitique, apparentée aux Somalis et aux Gallas,
d’un apports noirs, sans doute nubiens, des apports sémites et des apports libyens.
Les religions en Egypte
Dans leur grande majorité, les Egyptiens sont des Musulmans sunnites.
Pourtant il existe une minorité chrétienne Copte, constituant entre 10% et 20% de la population, mais fortement discriminée.

Deuxième rente : le Nil
L’Egypte est totalement structuré par le Nil. Le fleuve serait comme une oasis qui traverse un désert sur toute sa longueur où se concentre de part et d'autre les populations.
Le fleuve a permis le développement d’une agriculture grâce à la mise en valeur de zones d'irrigation (en vert sur la carte), constituant ainsi une deuxième rente pour le pays.
Comme le disait l'historien grec Hérodote, l'Egypte est un "don du Nil".
Le barrage d'Assouan
Au sud de l’Egypte a été construit le barrage d'Assouan, avec l'aide des Soviétiques entre 1960 et 1970.
Ce barrage crée une immense retenue d'eau, appelée le Lac Nasser, il contient deux fois la crue annuelle du fleuve afin d’augmenter les capacités d'irrigation permanente et les récoltes céréalières et fruitières.
Mais en aval, les conséquences négatives sont nombreuses, notamment à travers la forte augmentation de la salinité perturbant l'agriculture dans le delta.
Le Delta du Nil
La population égyptienne se concentre au niveau du delta du Nil entre :
le Caire, la capitale et la plus grande ville d'Afrique avec plus de 16 millions d'habitants ;
Alexandrie, à l’Ouest avec 4,5 millions d'habitants ;
et Port Saïd, à l' Est, sur l'embouchure du Canal de Suez, à l'entrée du Sinaï.

Conclusion :  Alors, tout cela évidemment n'est pas stable.
Le nombre de touristes est en baisse depuis les attentats de Louxor, depuis la guerre en Irak, maintenant depuis l'accident d'un boeing égyptien en janvier 2004.
L'aide américaine est appelée à baisser.
Et de toute façon, les relations entre le Caire et Washington sont bien plus difficiles depuis le 11 septembre : même si le Caire nie, le successeur désigné de Ben Laden, Al Zawahiri, est un médecin égyptien converti aux thèses extrémistes dans les prisons égyptiennes.
Mohamed Ata, le pilote du Boeing contre la tour Nord à New York, est fils d'un avocat cairote ; des centaines d'Egyptiens sont enrôlés dans Al Qaida.
Il n'y a sans doute pas de perspective de prise du pouvoir par les islamistes en Egypte mais il y a des franges radicales désespérées, qui s'expriment par le terrorisme pour avoir le maximum de visibilité.
Les Egyptiens, et pas seulement la mouvance islamiste, en ont assez d'un pouvoir « agenouillé » devant Washington et corrompu.
On le comprend l'Egypte est à un tournant :
le régime est pro-américain et en paix avec Israël, et pourtant avec une population arabe profondément anti-Israël et anti juive.
Et la politique israélienne donne évidemment raison aux plus radicaux des Islamistes.
Ensuite la démographie est forte, 600 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail et pourtant les investissements étrangers sont plutôt en baisse.
L'écart est grand entre la société civile et le régime politique, l'écart est immense entre la société rêvée par les Egyptiens, et la société réelle où ils vivent.
Donc l'Egypte fait le grand écart, mais pour combien de temps ?
 

Troisième rente : le Canal de Suez
Entre la mer Rouge et la mer Méditerranée a été achevé, en 1869, le canal de Suez selon les plans de l'ingénieur français Ferdinand de Lesseps.
Ce passage maritime artificiel entre Europe et Asie est d'une importance majeure car il évite le contournement du continent africain par les navires.
Mais son importance est aussi financière car près de 40 navires par jour traverse le canal, ce qui assure un revenu de 2 milliards de dollars par an.

Quatrième rente : la position stratégique
L’Egypte a pour voisin la Libye, le Soudan, Israël, la Jordanie, et l'Arabie Saoudite (séparés par le désert du Sinaï et la Mer Rouge). L'Egypte est donc un pays central avec une position géographique pivot.

Les bénéfices de la paix avec Israël
L’ Egypte a donc été le premier pays arabe à signer un traité de paix avec Israël (les accords de Camp David de 1979). En contrepartie, tous les ans depuis 1980, les Etats-Unis versent au budget égyptien plus de 2 milliards de dollars.
Quant à Israël, il est le premier pays bénéficiaire au monde de l'aide directe américaine avec trois milliards de dollars par an.
Les Etats-Unis et l’Egypte
L’aide américaine est un facteur de tension à cause de l'alignement du Caire sur les positions des Etats-Unis.
Or, la population égyptienne est contre cet alignement, elle exprime donc son opposition d'autant plus fortement lorsque les Etats-Unis entre en Irak. Ainsi, contester la politique américaine reflète aussi une façon de contester le régime en place au Caire depuis plus de 20 ans.

L’opposition entre la société civile et les dirigeants
La société civile pense en fonction des règles et des croyances d'un pays musulman, mais leurs expressions politiques ne sont pas libres. L'Egypte avait été pourtant la première à ouvrir ce débat avec Hassan El Banna qui fonde en 1928 la Confrérie des Frères musulmans. Depuis près de 60 ans, les mouvements islamiques et les pouvoirs politiques oscillent sans cesse entre alliance et hostilité. Ce fut le cas pour Nasser, pour Sadate et aujourd'hui, pour Moubarak au pouvoir depuis 1981.
Cet immobilisme pousse les islamistes égyptiens à la lutte contre le pouvoir à travers des attentats, visant des intellectuels égyptiens ou des touristes, notamment à Louxor en 1997. Face à la violence islamiste, le pouvoir répond par la répression, et il élargit la compétence des organes de sécurité, ce qui ouvre sur une brutalité et nourrit le cycle de la vengeance. Ainsi, depuis l'assassinat de Sadate, l'état d'urgence n'a jamais été levé dans le pays.

( texte repris sur le site d'ARTE)