Hobson, Brandon « Dans l’écho lointain de nos voix » (2024) 292 pages

Hobson, Brandon « Dans l’écho lointain de nos voix » (2024) 292 pages

Auteur: enseigne la littérature à l’université d’État du Nouveau-Mexique et à l’Institute of American Indian Arts de Santa Fe. Finaliste du National Book Award et lauréat de la fondation Guggenheim en 2022, ses textes ont été publiés dans de nombreuses anthologies et revues littéraires. Il appartient à la nation des Cherokees de l’Oklahoma.

Albin-Michel – 17.04.2024 – 292 pages (traduit par Stephane Roques)
« Dans l’écho lointain de nos voix » (« The Removed », 2021) est son quatrième roman et le premier à être traduit en français.

Résumé:

Il y a quinze ans, victime d’une bavure, un adolescent amérindien mourait sous les tirs d’un policier. Submergée par le chagrin, sa famille se délite. Maria, sa mère, est confrontée à la maladie d’Alzheimer dont est atteint son mari. Sonja, sa soeur, mène une vie solitaire, ponctuée de périodes d’obsessions romantiques. Quant à Edgar, le cadet, il s’est perdu dans la drogue pour atténuer son mal-être. 

Alors que l’anniversaire de la mort de Ray-Ray approche, Maria se voit confier par les services sociaux la garde d’un jeune Cherokee. Wyatt, véritable tourbillon de vie et de joie, adore raconter des histoires. « Elles sont comme un médicament, sauf qu’elles n’ont pas mauvais goût » et ravivent à leur manière l’écho de la voix du fils disparu. « Dans ce roman choral, une famille doit faire face à la perte et à l’injustice, à l’image d’un peuple tout entier. 

« Une oeuvre hantée, remplie de voix anciennes et modernes ». Tommy Orange

Mon avis:
Le 6 septembre est un jour de fête pour la Nation Cherokee qui célèbre l’anniversaire de la ratification de sa Constitution par l’Oklahoma mais c’est aussi le jour où un drame majeur frappe la famille Echota, une famille Cherokee. Leur fils de 15 ans, Ray-Ray,  est abattu par un policier, par erreur, mais surtout parce que le policier, par réflexe, a tiré sur un indien et non pas sur un blanc…
Le roman commence par la présentation de la famille Echota, quinze ans après le drame. Une famille totalement détruite; déjà qu’elle devait faire face à l’Alzheimer du père de famille, c’est l’événement qui a été déterminant pour le futur, a fait voler en éclats la cohésion familiale… Il y a la mère, Maria  – qui a fait toute sa carrière dans le social –  le jeune frère, Edgar qui est maintenant sous l’emprise de la drogue et la fille ainée, Sonja qui mène une vie solitaire avec des rencontres dangereuses, mais reste en contact avec ses parents.
Dix ans après sa mort, la famille commence à faire un feu de joie le jour de l’anniversaire de la mort de Ray-Ray pour se réunir et célébrer la famille et ce jour arrive bientôt. Seront-ils une fois encore réunis?
Le couple (Ernest est de plus en plus atteint par sa maladie et  deux autres enfants Sonja et Edgar ont grandi et quitté la maison) va devenir famille d’accueil pour un jeune garçon, Wyatt, qui ressemble fort au jeune Ray-Ray qu’ils avaient perdu et cela va raviver leurs souvenirs et la mémoire d’Ernest. C’est comme une sorte de résurrection… 
Et puis, il y a Tsala, l’esprit immortel, les Cherokees et leur culture, leur connaissance de la nature, des plantes, leur rapport avec les esprits, les légendes des « Yunwi Tsunsdi »..
J’ai beaucoup apprécié ce voyage dans la culture, les croyances et le monde des Cherokee. Certes ce roman parle de la manière dont les indiens sont traités actuellement par les blancs et du racisme anti-indiens farouchement enraciné dans la mentalité américaine, mais il nous conte également le folklore, les croyances et les traditions des Cherokee, nous montre le pouvoir des esprits et des légendes encore de nos jours pour surmonter les deuils, les problèmes, les drames. Il nous montre aussi l’importance de la famille et du rapport présent- passé. Il nous parle de mémoire et de deuil, de liens familiaux dans la vie et dans la mort, de la perte d’un être cher et des conséquences sur le quotidien et le futur.
Le roman nous fait vivre à la fois dans le passé et le présent, avec les vivants et les disparus, les événements réels et les légendes, la noirceur et la lumière. 

Merci à Francis Geffard des Editions Albin Michel et la collection Terres d’Amérique pour leur confiance et cette découverte d’un auteur amérindien.

Extraits:

Je pense aux complexités du temps, à la lenteur et à la vitesse auxquelles il passe.

Cette maison capable au fil des ans de résister au mauvais temps et aux vents furieux, grâce à la stabilité de son toit, de ses murs et de son plâtre qui se tendent quand la terre bouge. Cette maison, notre maison, qui craque et tictaque au passage du temps, accueillant la voix d’inconnus et la compagnie d’esprits dont le rire monte comme la fumée de la cheminée.

Quand j’étais petite, papa me disait de faire attention aux garçons. Ce sont des serpents, me disait-il. Ils sont du genre à te ramper dessus et te jouer un sale tour quand tu es vulnérable. 

Je n’aurais pas su dire exactement ce que j’éprouvais, mais c’était un mélange bizarre de confiance et d’étouffement. C’est ainsi qu’on attire un inconnu. Ainsi qu’on montre son intérêt à quelqu’un, en lui souriant et en le regardant intensément droit dans les yeux. 

Tu dois savoir que la parure est aussi importante dans la mort que dans la vie, raison pour laquelle ils ont fait en sorte que nous soyons beaux, même détachés de notre âme. Un ancien m’avait jadis appris à ne pas avoir peur de la mort parce qu’elle n’existe pas – nous ne faisons que passer d’un monde à l’autre.

Mais quand il arriva au rocher, il n’y avait personne. Il baissa les yeux et vit l’eau se mettre à bouillonner et écumer. C’est le récit que nous en ont fait les esprits qui assistèrent à la scène.

Au foyer, je lis aux gamins des histoires tirées de livres sur la culture et la guérison cherokees. Après, je leur demande, « Qu’est-ce que c’est, la guérison ?
– C’est quand on n’a pas envie de se tuer », répond une fille nommée Amber.

Que faire ? se demanda-t-on, et il fut décidé d’aller trouver les Petits Êtres dans la montagne pour chercher conseil. Ceux-ci déclarèrent que le soleil était jaloux de la lune parce que les humains la regardaient avec plaisir, alors que dans son cas à lui, ils plissaient les yeux. Le soleil ne comprenait pas son pouvoir sur la terre, savait seulement qu’il apportait la lumière, ce qui était une bonne chose. Il ne comprenait pas pourquoi les humains avaient si peur de le regarder, se protégeant les yeux, recherchant l’ombre.

Certains chemins mènent à la douleur, d’autres nous ramènent au passé.

On ne veut pas entendre la voix de ceux qui crient. Leur voix reste en nous.

On peut apprécier un arbre pour la pureté de sa beauté et n’en attendre rien d’autre. Un arbre peut vivre cent ans sans cesser d’être authentique.

Informations:

Tecumseh : Tecumseh (mars 1768-5 octobre 1813) était un chef de la tribu des Chaouanons. Son nom Tekoomsē signifie littéralement « Jaguar céleste » ou « Étoile filante »
Il conduit sa tribu dans la guerre indienne du Nord-Ouest (1790-1795), mais est battu par le général Anthony Wayne à la bataille de Fallen Timbers le 20 août 1794. À la fin de cette guerre, il refuse de signer le traité de Greenville qui autorise la vente des terres amérindiennes aux Blancs. Il s’installe alors le long de la rivière Wabash.  (Source Wikipedia)

 Yunwi Tsunsdi  : Des personnages de vieux contes cherokees, qui ressemblent à des petits elfes, des esprits du passé, des anciens.

Nunnehi : Les Cherokee parlent beaucoup d’êtres étranges connus sous le nom de Nunnehi. Les Nunnehi étaient mystérieux, soit intraterrestre or extra-terrestre entités et une influence positive pour cette tribu, les soutenant même lors des batailles contre les envahisseurs locaux et européens. (Source site mru.ink)

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