Adam, Olivier « Il ne se passe jamais rien ici » (2024) 361 pages
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Auteur : Olivier Adam est né à Paris le 12 juillet 1974.
Romans: Je vais bien, ne t’en fais pas (Le Dilettante, 2000), A l’Ouest (20oo1), Poids léger (2002), Douanes (2004) Passer l’hiver (L’Olivier, Goncourt de la nouvelle 2004), Falaises (L’Olivier, 2005), À l’abri de rien (L’Olivier, prix France Télévisions 2007 et prix Jean-Amila-Meckert 2008), Des vents contraires (L’Olivier, Prix RTL/Lire 2009), Le Cœur régulier (L’Olivier, 2010), Les Lisières (2012), Peine perdue (2014) , La Renverse (2016) , Chanson de la ville silencieuse (2018), Une partie de badminton (2019), Tout peut s’oublier (2020),Les roches rouge (2021) – Dessous les roses (2022), Personne n’a besoin de savoir (2023) – Il ne se passe jamais rien ici (2024) –
Plusieurs de ses romans ont été adaptés au cinéma ou à la télévision:
Poids léger – Je vais bien, ne t’en fais pas – À l’abri de rien (Maman est folle) – Des vents contraires – Le Cœur régulier
Flammarion – 01.05. 2024 – 361 pages
Résumé:
La saison touristique touche à sa fin dans ce village niché sur les rives du lac d’Annecy. Comme souvent, Antoine passe la soirée au Café des Sports avec les habitués. L’atmosphère est à la fête. Mais quand, au petit matin, on découvre le corps d’une femme assassinée au bord de l’eau, c’est vers lui que se portent les regards. Connu de tous, jugé instable par beaucoup, y compris par sa propre famille, ce bientôt quadragénaire aux airs d’éternel adolescent fait vite figure de coupable idéal.
Sans doute un peu trop. Car, ce soir-là, ils sont nombreux à être partis tard dans la nuit. Dans ce roman redoutable empruntant au genre du roman noir, Olivier Adam donne la parole à tous les protagonistes de l’affaire et fait l’autopsie d’une communauté où sont tapis la violence des hommes et leurs silences.
Mon avis:
Toujours un plaisir de lire un roman qui se situe dans un lieu qui nous est familier : ici l’action se situe au bord du lac d’Annecy en Haute-Savoie. J’ai retrouvé avec bonheur la plume d’Olivier Adam.
J’’ai beaucoup aimé mais je ne le conseille pas à celles et ceux qui veulent de l’action ! Et pourtant il y a énormément de suspense dans ce drame familial et social.
C’est vraiment un roman social, qui parle de la vie des gens, des inégalités sociales, des préjugés, de la discrimination sociale, des différents au sein de la famille. Il y a la rive riche et la rive pauvre du lac d’Annecy…
Un roman noir, un roman choral, beaucoup de suspects potentiels suite à un meurtre, un étau qui se resserre sur un coupable idéal, un paumé, un gentil que tout l’accable, tout désigne comme le meurtrier alors que tout le monde sait, sent que cela ne peut pas être lui. En effet pas une once de violence, dans le personnage d’Antoine, le souffre-douleur des hommes de sa famille, qui de plus était amoureux fou de Fanny (la jeune femme retrouvée morte) depuis toujours. Du suspense aussi.
Les Terrier, c’est une famille, c’est un clan, c’est même une «mafia» qui règne sur le village… qui impose la peur et le silence…
Une famille présente sur 3 générations : Le patriarche et sa femme, qui commence à souffrir de la maladie d’Alzheimer. Lui le machiste ancienne génération, super dominant.
Et les 3 enfants ( la quatrième est morte noyée quand elle était petite) :
– Benoît celui qui a réussi, le médecin qui tient une clinique et dont la femme tient une librairie. Le couple a deux enfants mais…Louis le fils va se révéler homosexuel , Margaux la fille qui s’éloigne de tout le monde depuis son adolescence, est en quelque sorte invisible : elle voit mais ne dit rien pour ne pas avoir d’ennuis.
– Claire, la fille qui tient avec son mari un petit hôtel qui a besoin de l’argent du frère pour subsister et dont la fille est autiste, Iris (ce qui dévalorise la famille) …
– Antoine – 38 ans – le raté, le looser de service – séparé de Marlène la mère de son fils car il l’a trompée avec son amour de toujours Fanny alors qu’elle était enceinte du petit Nino.
Dans la famille Terrier, il y a Antoine, qui est au centre du roman. On a bien l’impression que toute sa vie, on lui a fait tout retomber dessus dans cette famille, car Benoît a toujours été le préféré du père et que les femmes n’ont pas leur mot à dire dans cette famille patriarcale.Une famille qui méprise les sentiments, les émotions, une famille caricaturale.
Des chapitres courts qui évoquent la vie et la personnalité des gens du village.
Une vie de village décrite sans complaisance et avec beaucoup de réalisme. Une critique acerbe de la société. Des personnages parfois détestables et parfois attachants. Des relations passée et présentes. Un microcosme extrêmement révélateur de l’ambiance qui règne encore à l’heure actuelle dans le coins pas si reculés que ça (à quelques kilomètres d’Annecy) mais dans des villages qui vivent encore comme dans un huis-clos.
Même la police locale est court-circuitée par sa hiérarchie. L’enquête est interrompue, même si Pedretti continue en off, certain de l’innocence d’Antoine.
Quelqu’un brisera-t-il le silence ? Antoine sera-t-il reconnu coupable? Le véritable assassin sera-t-il inquiété ? Suspense !!!
Extraits:
Et moins encore à celle des mecs comme moi, qui se soucient de ce qui ne les regarde pas et empêchent les honnêtes citoyens de se comporter comme ils l’entendent vis-à-vis de tout ce qu’ils considèrent leur appartenir : femmes, enfants ou épagneuls bretons.
Les mecs continuent à trouver normal de se faire servir, de pas en ramer une avec les gosses ou la maison, d’être payés trente pour cent de plus et de leur barrer l’accès aux postes à grandes responsabilités. Et si en écoutant la radio ou en regardant la télé on a l’impression que les femmes ont dit stop une fois pour toutes et que ça bouge un peu partout, vu d’ici tout est comme avant, les choses se reproduisent sans fin, immuables.
Parfois la vie vous engloutit et l’agenda explose. Pas facile de tout mêler. Le boulot, la famille, les amis, les loisirs si on a la chance d’en avoir. Mais qu’est-ce que j’en sais ? Je n’ai jamais eu ce genre de problèmes. Ou pas longtemps.
Il a quelque chose de Clint Eastwood dans le regard, ce glacier dans les pupilles quand la gueule d’un type ne lui revient pas trop, ou qu’il le tient en piètre estime.
Elle ne fait pas partie des filles auxquelles j’étais censé pouvoir rêver. Elle est clairement en dehors de ma catégorie. Trop belle. Trop intelligente. Je ne sais pas par quel miracle Dieu m’a surclassé.
La moindre conversation un peu intime, il perdait pied. Il était tout verrouillé. Et moi, je suis pareille. À force de ne pas avoir appris à parler, à se dire les choses, à se les montrer, tout est resté confiné à l’intérieur.
Chaque fois que je me mets avec un mec, je peux pas me retenir, je guette l’instant où je vois affleurer la violence. Où l’instinct de domination, l’héritage patriarcal, le virilisme à deux balles, le sentiment de puissance, de supériorité, la loi de la force, la chosification, la fétichisation, la sexualisation, l’essentialisation vont resurgir. Même les mecs les plus déconstruits en apparence ne le sont jamais autant qu’ils le croient.
Elle n’en a pas eu le temps. Elle n’a fait que frôler sa propre existence, la rater de peu. Sa vie a été une succession de possibles avortés, d’occasions manquées, de rendez-vous ratés.
Parce que franchement, lire un roman, à la rigueur, je ne dis pas, je comprends que ça puisse plaire à certains. Mais écouter un type parler d’un livre qu’on n’a pas lu ? Qu’on m’explique où est l’intérêt.
Elle confond beaucoup de choses. Les noms, les dates, les événements se superposent et se croisent dans son cerveau, une vraie pelote de laine, indémêlable.
Quand on a un physique comme le mien, ni belle ni moche, mais moins belle que moche, on fait avec ce qui se présente.
Avant de monter, je fume une clope. Dingue, quand même, comme ce truc censé vous détruire les poumons donne l’impression de les ouvrir en grand au contraire. Ça ne contient que de la merde, mais c’est mille fois meilleur que le grand air d’ici.
Et si personne n’en parlait plus jamais, c’est que c’était le cas, n’est-ce pas ? Ce dont on ne parle pas n’existe pas. N’a jamais existé.
J’ai pas l’âge d’être aussi vieux dans ma tête mais je suis largué par le monde actuel, il m’a déposé à quai il y a longtemps, j’ai pas pris les bonnes correspondances. Je déteste les ordis, j’aime pas les smartphones, les plateformes, le streaming. Je regarde encore la télé. Qui regarde encore la télé ? J’écoute encore des CD. Qui écoute encore des CD ? Je parle avec les gens en vrai. Qui parle encore avec les gens en vrai ?
2 Replies to “Adam, Olivier « Il ne se passe jamais rien ici » (2024) 361 pages”
Je ne connais pas cet auteur…
Toutefois, ce que tu en dis et le fait de me retrouver à Annecy me tentent bien 🙂
Noté sur ma liste 😉
Alors pour ce qui est d’Annecy…. on voit pas grand chose… c’est surtout le fait d’être un lac enfermé entre des montagnes qui donne un sentiment de huis-clos.