Szabó, Magda « La Porte » (1987) 352 pages

Autrice:
Magda Szabo est née le 5 octobre 1917, à Debrecen, capitale du protestantisme hongrois et morte à 90 ans le 19 novembre 2007 à Kerepes. Après des études de lettres classiques, de langue et littérature hongroise, et d’histoire, elle commence à publier après la Seconde Guerre mondiale. Certains la nomment « le Mauriac protestant » car elle peint souvent les passions refoulées des habitants de la Grande Plaine. Ses premiers livres paraissent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et elle est saluée comme un des grands espoirs de la littérature. Mais ses oeuvres sont vite mises à l’index par le nouveau régime communiste au pouvoir. Après 1948, pour des raisons politiques, elle disparaît de la scène littéraire. C’est à la fin des années cinquante qu’elle rencontre un immense succès. Elle décède en 2007. Redécouverte à l’étranger suite au couronnement de La Porte par le prix Femina en 2003 (éd. Viviane Hamy), elle est progressivement devenue la figure majeure des lettres hongroises.
En 2015, La Porte a été élu le meilleur livre de l’année 2015 par le New York Times.
Oeuvres traduites: Dites à Sophie – Fresque – Bleu-île – Les parents perdus – Lala, prince du Pays des Fées – La ballade d’Iza – Le vieux puits. Souvenirs d’enfance – L’instant. La Créüside – Le Faon – La Porte – Rue Katalin – Abigaël
Editions Viviane Hamy- 27.08.2003 – 276 pages / Livre de poche – 01.02.2017 – 352 pages – « Az ajtó » Traduit du hongrois par Chantal Philippe – (2003 – Prix Femina étranger)
István Szabó a réalisé de ce roman le film La Porte, en 2012, avec Helen Mirren dans le rôle d’Emerence
Résumé:
» Mes rêves sont des visions absolument identiques qui reviennent inlassablement, je fais toujours le même rêve. Je suis sous le porche de notre immeuble, au pied de l’escalier, derrière la porte cochère au verre armé inexpugnable, renforcée d’une armature de fer, et j’essaie d’ouvrir la serrure. Il y a une ambulance dans la rue, les silhouettes des infirmiers, floues à travers la vitre, sont d’une taille surnaturelle, leurs visages enflés sont entourés d’un halo, comme la lune.
La clé tourne. Je m’escrime en vain. »
L’éditeur en parle:
Ce livre a reçu le prix Femina étranger 2003. La Porte est une confession. La narratrice retrace sa relation avec Emerence qui fut sa femme de ménage pendant une vingtaine d’années. L’une est vieille, l’autre jeune, l’une sait à peine lire, l’autre ne « respire » que par les mots, l’une arbore l’humilité comme un blason, l’autre l’orgueil de l’intellectuelle sur-cultivée. Et pourtant la vieille servante va tout apprendre à l’écrivain adulée, car elle est la générosité incarnée ; dès qu’il s’agit de sauver une vie, celle d’un Juif, d’un Allemand, d’un voleur ou d’un chaton abandonné, Emerence ne réfléchit pas une seconde.
La narratrice fait le portrait haut en couleur de ce personnage lumineux au caractère difficile et singulier, qui agit en véritable despote sur son entourage, qui consent à tout.
Et pourtant la vieille servante va tout apprendre à l’écrivain adulée, car elle est la générosité incarnée ; dès qu’il s’agit de sauver une vie, celle d’un Juif, d’un Allemand, d’un voleur ou d’un chaton abandonné, Emerence ne réfléchit pas une seconde. La narratrice fait le portrait haut en couleur de ce personnage lumineux au caractère difficile et singulier, qui agit en véritable despote sur son entourage, qui consent à tout.
Mon avis:
J’ai beaucoup aimé de livre, pas si facile à lire, qui se déroule dans une atmosphère en demi-teinte, d’un autre temps…
L’autrice est considérée comme un classique de la littérature hongroise. Le roman est en majeure partie autobiographique et traite des relations entre elle et sa femme de ménage, Emerence.
L’autrice – qui parle en son nom donc à la première personne du singulier – doit engager une femme de ménage pour pouvoir reprendre son activité d’écrivaine à plein temps. On lui recommence une femme âgée qui habite presque en face de chez elle qui se révèle être un personnage bien particulier !
La relation entre les deux femmes est un mystère, d’ailleurs c’est Emerence qui est un mystère, un personnage singulier, extrêmement agaçant et extrêmement attachant.
Emerence a des secrets, derrière sa porte close, mais elle ne supporte pas que les autres en aient. Tout le monde a confiance en Emerence, mais elle n’a confiance en personne. Emerence fait des cadeaux a tout le monde mais personne n’a le droit de lui en faire. Emerence vit pour aider les autres mais ne veut accepter l’aide de personne.
Que se cache-t-il derrière une porte close ? Faut-il vraiment le savoir? Faut-t-il sauver à tout prix des personnes qui ne veulent pas être sauvées? Faire le bien des gens contre leur gré? Sauver des gens contre leur gré, n’est-ce pas au final les détruire? Chaque être est différent, pense différemment, fonctionne à sa manière.
Je n’ai pas envie d’en dire plus; c’est un livre sur la dignité, le deuil, la solitude, la solidarité, l’assistance aux personnes, la difficulté de communiquer, l’impossibilité de faire confiance…
De plus beaucoup aimé faire un bond en arrière dans le temps, en apprendre un peu sur la Hongrie, vivre dans ce quartier hors du temps, dans cette ambiance « grise »…
En plus j’ai toujours aimé les portes… Quand je voyage j’aime photographier les vieilles portes, imaginer ce qui se cache derrière… alors forcément, une porte qui ne s’ouvre jamais… ça m’intrigue…
Extraits:
Dans mon enfance, dans ma jeunesse, je n’avais pas de rêves, ni de bons ni de mauvais. À présent, c’est l’âge qui charrie sans relâche les alluvions du passé en une masse de plus en plus compacte, horreur dense d’autant plus alarmante qu’elle est plus étouffante, plus tragique que ce que j’ai jamais vécu.
On sait parfois par intuition quelle fleur pourrait être quelqu’un, s’il était né fleur. Elle ne serait certainement pas une rose ; la rose, étalage presque impudique de carmin, n’est pas une fleur innocente.
Si je vous demande quelque chose et que vous me l’accordez, faites-le sans rien dire, sinon, ça ne sert à rien de donner.
Celui qu’on ne peut pas aider, c’est qu’il n’a pas besoin d’aide, si elle en avait assez de la vie, personne n’avait le droit de la retenir.
l’écriture n’est pas un maître facile, les phrases laissées en plan ne peuvent jamais être reprises avec la même qualité, la nouvelle formulation s’écarte de la ligne du texte dont plus rien ne garantit alors la tenue.
Apprenez qu’on ne retient pas celui dont l’heure a sonné, parce que vous ne pouvez rien lui donner qui remplace la vie.
Les livres constituaient le soubassement de mon existence, mon unité de mesure était la lettre, mais ce n’était pas la seule valable à mes yeux, contrairement à ce que pensait la vieille femme de ses propres critères.
J’écrivais, j’étais encore jeune, je n’avais pas analysé à fond à quel point l’affection est un sentiment illogique, mortel, imprévisible, et pourtant je connaissais la littérature grecque qui ne représentait rien d’autre que les passions, la mort, dont la hache étincelante est tenue par les mains enlacées de l’amour et de l’affection.
n’aimez jamais éperdument, cela ne peut que vous mener à votre perte. Si ce n’est pas tout de suite, c’est plus tard.
Quand j’étais étudiante, je détestais Schopenhauer, plus tard j’ai compris que je devais retenir de sa théorie, que toute relation sentimentale est une possibilité d’agression, plus je laisse de gens m’approcher, plus il y a de voies par lesquelles le danger peut m’atteindre.
Image:
Photo d’une porte à Zanzibar