Baudin Cécile « Marques de fabrique » (2023) 384 pages

Autrice: Autrice française née à Lyon en 1972, habite aujourd’hui en Seine-et-Marne.
Après des études scientifiques, a travaillé pendant vingt-cinq ans dans différents métiers de main d’œuvre, comme DRH puis à son compte : transport, BTP, ingénierie, déchets, métallurgie…
Romans : Marques de fabrique (2023) – La constance de la louve (2024) – Dur comme fer (2025)
Presses de la Cité – 09.03.2023 – 434 pages / 10/18 – 04.04.2024 – 384 pages (en avant-première chez France Loisirs 31 août 2022))
Prix Polar /10-18 du Roman historique – Prix Canut 2024 Prix littéraire régional Centre-Sud 2024 du Lions Club – Sélection Prix des lecteurs Notre Temps
En cours d’adaptation cinématographique
Résumé:
Un voyage dans le temps en pleine révolution industrielle. Deux héroïnes, sans se connaître, enquêtent sur deux mystères imbriqués l’un dans l’autre. Morts suspectes, disparitions inquiétantes dans l’univers de la soie et de la filature…
Ain, 1893. Pour exercer son métier d’inspecteur du travail, Claude Tardy est obligée de se travestir en homme, avec la complicité de son mentor Edgar Roux. Lors d’un contrôle dans une tréfilerie, ils se retrouvent face à un étrange suicide : un jeune homme pendu, prisonnier dans des fils de métal.
Plus étonnant encore, la découverte dans un lac, trois mois plus tard, d’un corps congelé… Celui d’un ouvrier, sosie du suicidé. Non loin de là, soeur Placide accueille les nouvelles pensionnaires des Soieries Perrin, des orphelines employées et logées dès leurs douze ans jusqu’à leur mariage. Elle est bouleversée par l’une d’elles, une fillette blonde qui ressemble à s’y méprendre à Léonie, une ancienne pensionnaire.
Qui, partie pour se marier, n’a plus jamais donné de nouvelles…
Deux enquêtrices pour deux mystères inextricablement liés qui révèlent la face sombre de la révolution industrielle.
Mon avis:
Coup de coeur ce roman qui parle de la condition des femmes, du travail des enfants, des orphelinats à la fin du XIXème siècle, de l’inspection du travail, de la façon de se procurer de la main-d’oeuvre à bas coût, de l’exploitation de la glace, du travail dans les tréfileries et dans l’industrie de la soie, de la révolution industrielle dans le département industriel de l’Ain …
Au départ de deux enquêtes, l’une menée par des enquêteurs de l’inspection du travail et l’autre par une bonne soeur, Soeur Placide qui travaille dans un orphelinat : deux morts suspectes ( un suicide et un homme congelé ) et une disparition (Léonie) qui aurait eu lieu il y une quinzaine d’année. Ces deux enquêtes seraient-elles liées ? La Soeur et les deux agents de l’inspection du travail cont joindre leurs forces pour enquêter.
Les personnages sont attachants, les relations humaines sont au coeur du roman:
Il y a les deux inspecteurs du travail: un vieil homme en fin de carrière qui a des problèmes de mémoire, une jeune femme qui doit se déguiser en homme pour l’assister car son statut de femme ne lui permet pas d’être présente dans la plupart des lieux où il faut enquêter..
Il y a la Soeur Placide, qui travaille dans un orphelinat qui emploie des jeunes filles pour le travail de la soie et son amie, Olympe qui est la femme du propriétaire des soiries ; il y a le neveu de Soeur Placide, Paul, employé dans la soirie…
Dans l’orphelinat, il semble y avoir un esprit, un fantôme qui rôde…
Suspense jusqu’à la fin du roman avec une enquête qui tient en haleine jusqu’au bout du bout.
Un roman noir policier historique féministe intéressant et passionnant à tous les niveaux, extrêmement bien documenté qui parle aussi des débuts de la photographie.
Je vais continuer à lire cette autrice.
Extraits:
On les tient confinées dans ce bâtiment situé tout de suite à l’entrée du complexe, autant que possible à distance des pensionnaires de la filature. Il ne faudrait pas qu’elles transmettent le goût de l’extérieur comme s’inocule la tuberculose !
L’inspecteur est habité par sa passion pour la photographie. On dirait qu’il ne voit bien le monde qu’à travers son objectif.
Elle se tait, car dans l’ordre de Saint-Joseph, comme dans la religion catholique en général, on ne croit pas aux fantômes. Le seul être paranormal qui vaille, c’est Dieu.
Nous ne croyons pas aux fantômes. En tout cas, pas de cette sorte-là. Les vrais fantômes sont ceux qui peuplent nos souvenirs, et nos remords. Ils habitent dans notre conscience, pas dans de grands dortoirs.
— Je suis une femme. Et inspectrice départementale du travail. Les agents comme moi n’existent que depuis l’année dernière. Je suis une des sept femmes de France à avoir réussi ce premier concours, sur plusieurs dizaines de lauréats (…)
nous ne pouvons pas effectuer les mêmes contrôles. En tant que femmes, on nous interdit tous les établissements où il y a soit des machines, soit des hommes. Ça ne nous laisse que les petites fabriques de couture, de montage de peignes, les ateliers familiaux, ce genre de choses
Ce matin, elle s’était trouvée fascinée par les aiguillages qui se mêlaient, se démêlaient, en autant d’embranchements savants, alors qu’elle entrait en gare. À présent, elle essaye elle aussi de faire prendre à ses idées une nouvelle direction, et force le levier de bifurcation. Car elle s’est manifestement fourvoyée.
La vieille nonne est une petite femme rabougrie, aussi courbée qu’une pivoine trop lourde.
Autour de lui, l’ambiance est semblable à celle de ses photographies : tout n’est que noir et blanc.
— Je crains qu’aucune loi ne puisse jamais venir à bout des instincts les plus bas des êtres humains, mademoiselle. Là où nous voyons l’innocence, eux voient la faiblesse. Il n’y a ensuite qu’un tout petit pas à franchir pour y voir aussi une opportunité d’exploitation et de profit.
Elle commence par rappeler que les orphelinats, hospices et autres lieux de charité sont exclus des règlements dont les inspecteurs se prévalent, et en particulier des textes de 1874 et 1892. Edgar et Claude ne l’ignorent pas. Cela représente une véritable difficulté dans l’application des lois sur la protection de l’enfance : nombre d’établissements de charité n’hésitent pas, sous couvert de formation professionnelle, à faire travailler des enfants de moins de huit ans, et dans des conditions à peine meilleures que celles qui règnent dans les ateliers.
Claude est Claude, tel qu’il est. Et ce seul fait le caractérise plus que son identité, ou son genre.
Il est curieux de constater que chez les gens, la première vision reste toujours la référence, comme un ancrage automatique de la raison. Ce réflexe doit jouer bien des tours à de nombreuses personnes.
Car c’est cela, être femme : ne pas avoir le choix.
Image : Photo du site « hautbuget-tourisme » et de son article sur les glacières du Lac de Sylans
One Reply to “Baudin Cécile « Marques de fabrique » (2023) 384 pages”
Tentant ce polar historique
Je note, Soeurette !