Bakowski, Solène «La plus jolie fin du monde » (2025) 320 pages

Autrice : Solène Bakowski est née à Paris en 1981. Titulaire d’une licence de chinois et d’une maîtrise de français langue étrangère, elle a, pendant un temps, partagé sa vie entre la France et la Chine avant d’embrasser la carrière de Professeur des Ecoles.
Romans : Chaînes (auto-édition, juin 2015) – Parfois on tombe (éditions Favre, janvier 2014, lauréat du Prix de la Chapelle-Montreuil 2015) –, Une bonne intention (éditions Bragelonne, 2018, prix des Géants du Polar) – Avec elle/sans elle (en collaboration avec Amélie Antoine, éditions Michel Lafon, 2018) – Un sac (éditions Milady/Bragelonne, 2017) – Miracle (éditions Cosmopolis, 2019) – Rue du rendez-vous (Plon 2021) – Il faut beaucoup aimer les gens (Plon 2022) – Ce que je n’ai pas su ( Plon 2023) – La plus jolie fin du monde (Récamier 2025)
Editions Récamier – 06.02.2025 – 320 pages
Résumé:
Méfiez-vous des vieilles histoires. Certaines ricochent jusqu’à nous. Quand Gaelle apprend que sa grand-mère, Yan, vient d’être victime d’un AVC, elle court la rejoindre sur son ile en Bretagne. A l’hôpital, Yan se trompe d’époque, de lieu, voit des choses qui n’existent pas. Dans ses propos décousus auxquels personne ne prête attention, un détail interpelle Gaëlle : un signe, que la vieille femme affirme avoir reçu après 55 ans, 6 mois et 16 jours d’attente.
De quoi parle-t-elle ? D’où vient ce décompte si précis ? Gaëlle tente de résoudre le mystère. Yan semble suspendue entre deux mondes, mais qui sait ? Peut-être n’est-on jamais aussi clairvoyant qu’à l’heure de s’envoler… En embellissant les derniers instants de celle qui lui a tout donné, une jeune femme va enfin trouver un sens à sa vie.
Mon avis:
J’avais eu le coup de coeur absolu pour Rue du rendez-vous et à nouveau pour celui-ci un énorme coup de coeur.
Une merveille de sensibilité, d’humanité, de tendresse, de complicité, d’émotion, l’art de traiter des sujets graves avec le petit je-ne-sais quoi qui amène le sourire en même temps qu’on ravale les larmes qui pointent…
Direction la Bretagne et la relation qui unit deux êtres, une grand-mère, Yan, et sa petite-fille, Gaelle. Une vieille dame qui est aux portes de la mort – qu’elle ne craint pas mais qui a peur de souffrir.
Et une enquête à la clé pour tenter de démêler le vrai du faux, le présent du passé, les souvenirs des rêves… Des multitudes de questions et de mystères : qui est James? Qui est Jane ? Des souvenirs ou des inventions?
Les relations humaines, trans-générationnelles, un roman familial, et surtout cette relation petite-fille /Grand-mère sont au coeur du roman. A part elles eux il y a la famille, et en particulier deux tantes, Nathalie et Carole, qui se s’entendent pas.
Et surtout il convient de ne pas oublier les personnages fantômes (réels ou imaginaires ?), les disparus, les personnes qui représentent à la fois le présent mais aussi le passé de Yan; ces personnes que Gaelle va questionner pour remettre de l’ordre dans les bribes de communication que lâche Yan pour reconstituer son parcours et tenter de lui apporter des réponses et la paix avant le grand envol… Avec l’aide inattendue d’un agent immobilier/campeur …
Une réflexion aussi sur l’hopital, sur le personnel qui est débordé, sur la gentillesse des unes et la dureté des autres… Sur la fin de vie, la liberté de choisir si on veut rester ou partir, de choisir son destin
J’ai tellement aimé la relation entre les bruits et les événements et les phases de lucidité et d’envol de la pensée de Yan. Une porte claque… elle s’envole… une fenêtre s’ouvre, pareil… la fenêtre se referme, elle sort de sa phase rêves lointains…
Mais je ne vous en dit pas plus… il y a tellement à découvrir dans ce merveilleux roman…
Extraits: ( Je ne vais pas recopier le roman… faut vous laisser des belles découvertes)
Évidemment, des visages s’offusquèrent. Il n’y a que pour les piscines qu’on apprécie le débordement.
Car une vocation contrariée revient toujours la nuit vous chatouiller les doigts de pied.
Elle pensa à la peur de l’eau qu’elle se traînait depuis. À sa peur de crever et sa résultante, sa peur de vivre.
Sa grand-mère était – non, est, puisqu’elle est immortelle – de ceux qui écoutent leur cœur, quoi qu’il en coûte.
Elle ajouta que ça valait le coup de s’obstiner, qu’il ne fallait jamais abdiquer. Jamais jamais. Il fallait écouter la petite voix même si personne d’autre ne pouvait l’entendre.
pouvait-elle se fier aux souvenirs de Yan ? Quelle était leur part de fantasme, de reconstruction, d’invention ? L’esprit de sa grand-mère moulinait dans un tel marasme.
Le choix, vertigineux, lui revenait : y croire ou non ?
C’est quoi, le temps voulu ? Le temps voulu, m’a-t-elle répondu en tressant mes cheveux, c’est le moment où le corps se rabougrit tellement que l’âme n’a plus assez de place.
Drôle de mélange.
— Sucrosité et amertume, l’association parfaite. La vie en somme.
— Vous aimez les vieilles histoires, en fait.
— Méfiez-vous des vieilles histoires. Y en a qui ricochent jusqu’à nous.
Eh bien, ma petite demoiselle, parce qu’on ne meurt que dans l’oubli.
L’art a beau abreuver le monde d’histoires sentimentales, l’amour reste un miracle. Quand il manque, on en crève. Quand il arrive, on n’en revient pas.
Concentre-toi, bon sang, ni ressassement ni anticipation, rien que l’ici et maintenant, un pied devant l’autre, c’est déjà pas mal.
vraies, fausses ou à mi-chemin, si les fables amélioraient la vie, pourquoi se priver ?
Quelque chose roule sur ma joue. Si c’est une goutte de sueur, c’est la chaleur. Si c’est une larme, c’est l’émotion.
Croire ? Croire ce que l’on voit ? Voir ce que l’on croit ?
La mémoire ment, lisse et rabote
Poursuivre un fantôme justifiait-il de triturer les vivants ?
« Rien ne se crée, tout se transforme. Nous sommes la suite logique de ceux qui nous ont précédés. Rien ne meurt jamais vraiment et la vie gagne toujours. »
Nous ne sommes que nuances et aspérités, pétris d’angles morts. Combien de secrets envolés avec leurs gardiens ?
Que sait-on de ceux qui nous entourent ? Rien que ce qu’ils veulent bien nous montrer.
Peut-être qu’on ne vieillit jamais vraiment dans le fond et que le temps ne ride que la peau.
Ce que les défunts animent en nous les rend éternels.