Glasfurd, Guinevere – «Un été de neige et de cendres» (2020) 444 pages

Autrice : Guinevere Glasfurd vit dans les Fens, près de Cambridge. Auteur de nouvelles remarquées, elle a obtenu une bourse du Arts Council England pour l’écriture des Mots entre mes mains, son premier roman.
Romans : « Les Mots entre mes mains » (RL2016) – «Un été de neige et de cendres» (RL2020)
Editions Préludes – 02.09.2020 – 444 pages ( traduit par Claire Desserrey)
Résumé :
Été 1816. Un été polaire, comme de mémoire d’homme on n’en avait jamais vu. Sarah Hobbs, une fille de ferme courageuse et déterminée, et Hope Peter, un jeune soldat de retour des guerres napoléoniennes tentent de résister à la misère qui guette les campagnes et les villes. Cet été-là, l’écrivaine Mary Shelley et le peintre John Constable décident aussi de leur destin au prix d’intenses sacrifices. Ils subissent tous les conséquences sans précédent de l’éruption du volcan Tambora, en Indonésie, un an auparavant. Porté par une plume précise et poétique, et par des personnages inoubliables, Un été de neige et de cendres s’inspire d’une catastrophe climatique mal connue et raconte comment le destin du monde et celui des hommes sont inextricablement liés.
Après le succès de Les Mots entre mes mains, Guinevere Glasfurd revient avec une nouvelle histoire magistrale, brûlante d’actualité et follement romanesque. « Une auteure remarquablement vive et subtile, qui trouve la beauté dans les situations les plus sombres. »The Guardian « Merveilleusement écrit, audacieux et engagé, inoubliable. »The Financial Times « Une saga magnifique, riche à la fois de détails historiques et d’humanité. »The Observer
Mon avis :
J’avais adoré son premier roman, et j’ai énormément aimé celui-ci même si je me suis moins attachée aux personnages…Et donc pas le coup de coeur. Mais j’ai toujours autant aimé l’écriture… et les thèmes abordés : l’écriture avec Mary Shelley, la peinture avec un peintre anglais que j’aime beaucoup Constable, la vulcanologie avec l’Eruption du Tambora, le petit tour par la campagne genevoise… Coté historique il y a aussi la misère, la sécheresse, les pluies diluviennes, la météo déréglée, avec la neige en été, les révoltes et la misère sociale…
Ce qui est extrêmement troublant dans ce roman historique est le parallèle entre 1815-1816 et l’époque que nous traversons actuellement…
Au programme :
-1815 : l’éruption du volcan Tambora, sur l’île indonésienne de Sumbawa et ses répercussions au niveau mondial
– des événements climatiques désastreux qui sont la conséquence du réveil de la nature : la mort et la destruction suite à l’éruption volcanique, un été pourri, baisse des températures , manque de soleil, neige et pluies violentes, sécheresse, famines partout sur la terre, épidémies…
– les influences sur les arts et la peinture en particulier.
Chaque personnage à sa manière nous parle des répercussions de cette éruption ; entre autres Sarah Hobbs, fille de ferme exploitée et miséreuse qui représente l’incidence sur la vie de la famine, les cultures dévastées, la pénurie, la faim …
– C’est l’année de la naissance de Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley , alors qu’elle séjourne en Suisse pendant un été pourri comme partout ailleurs (à Cologny dans la banlieue de Genève) et qui voit les prix des aliments – pain, oeufs…) devenir juste inconcevables…
Le dérèglement climatique impactait déjà la vie au niveau mondial il y a deux siècles…
Extraits:
Il scruta sa feuille vierge. Il adorait l’instant qui précédait celui où son crayon touchait le papier. Avec tout ce qu’il était possible de représenter, pourquoi cela précisément : ce sentier, ces arbres, ce champ au second plan ? Il feuilleta rapidement les pages précédentes pour revoir ce qu’il avait dessiné.
La chaleur exhalée par la terre leur parvenait par vagues poussées par le vent. Elle desséchait les mots dans sa bouche, tarissait ses pensées.
À regarder trop longtemps le passé, on finit avec des épouvantails dans la tête.
C’est quoi un poète ?
-Un type qui ne regarde pas le monde avec les mêmes yeux que moi. »
Son rire fusa comme une noisette envoyée d’une pichenette sur son front.
La saison est très en retard. Jamais vu une telle sécheresse. Paraît que c’est à cause des taches sur le soleil.
– Comment ça ?
– Elles le refroidissent.
Un coup de tonnerre retentit, plus proche. Le vent tourbillonnait autour de lui comme s’il ne savait où souffler.
Le ciel flamboyait d’un rouge si sombre qu’il colorait de sang la Tamise sur toute sa largeur et que les fenêtres semblaient tendues de rideaux cramoisis. Des mouettes écarlates volaient au-dessus des toits et se posaient sur l’eau. Peter ferma les yeux, épuisé ; derrière ses paupières, il ne voyait aussi que du rouge.
C’est drôle comme les gens ont des vies si différentes. On allait d’une pièce dans une autre, et encore une autre ; les manteaux étaient pendus à des crochets, avec des paires de bottes alignées dessous, comme si les hommes qui les portaient s’étaient évanouis en fumée.
N’importe qui pouvait promettre n’importe quoi par les temps qui couraient. Les gens rêvaient tellement d’une vie meilleure qu’ils étaient disposés à le croire.
Était-ce possible d’être ? D’aimer sans haine, sans colère, sans mépris ? D’évoluer pour soi, sans vanité, cruauté ou amertume ? Sans rabaisser les autres ?
Les jours de grisaille se succédaient obstinément et leur humeur, à force, s’assombrissait. Et cette pluie, cette pluie… L’optimisme et l’espoir qu’elle ressentait à son arrivée semblaient perdus à jamais, noyés sous les gouttes
Il peignait vite, en utilisant aussi peu de matière que possible et en tapotant la brosse sur son chiffon jusqu’à ce qu’elle soit pratiquement sèche. Ainsi, les sous-couches étaient visibles en transparence et il pouvait superposer les teintes rapidement entre deux giboulées.
Information: (Wikipedia)
L’éruption du Tambora en 1815 est une éruption volcanique qui s’est produite sur l’île de Sumbawa, en Indonésie, du 5 au 15 avril 1815. Elle est considérée comme la deuxième éruption la plus violente des temps historiques, après celle du Samalas en 1257 sur l’île de Lombok, également en Indonésie. La violence de l’éruption (qui décapite le sommet du volcan et crée une caldeira de 6 km de diamètre), les nuées ardentes, les tsunamis et les pluies de cendres volcaniques détruisent toute vie dans la péninsule de Sanggar et causent au total la mort d’environ 117 000 personnes dans les îles de Sumbawa, Lombok et Bali.
Les aérosols projetés dans la stratosphère voilent la lumière du Soleil et provoquent un hiver volcanique pendant trois ans. Les conséquences sur le climat sont telles que l’année 1816 est surnommée « l’année sans été », avec des moyennes de température jusqu’à 3 °C en dessous des normales, des chutes de neige en plein été dans les latitudes tempérées, des pluies diluviennes dans certaines régions et l’absence presque totale d’ensoleillement.
Ces évènements consécutifs à l’éruption du Tambora marquent les arts et les sciences, d’autant plus que les causes en restent obscures pour leurs contemporains. La peinture, en premier lieu, est grandement influencée, notamment au travers des couchers de soleil des romantiques William Turner et Caspar David Friedrich. En littérature, le sombre été 1816 inspire le Frankenstein de Mary Shelley.