Solares, Martín « Mort dans le jardin de la lune » (2021) 270 pages

Auteur: Martín Solares est né à Tampico (Mexique) le 29 août 1970.
Chercheur et écrivain, il travaille également depuis 1989 en tant que professeur de littérature, critique et éditeur.
Il a vécu à Paris de 2000 à 2007, y obtenant un doctorat de littérature à la Sorbonne.
Romans: les Minutes noires (2009 – Los minutos negros, 2007) – N’envoyez pas de fleurs (2016 – No manden flores, 2015) –
Trilogie : Quatorze crocs (2020 Catorce colmillos, 2018) – Mort dans le jardin de la lune (2021 Muerte en el Jardín de la Luna – 2020) – Cómo vi a la mujer desnuda cuando entraba en el bosque (2024)
Christian Bourgois – 03.06.2021 – 270 pages (Muerte en el Jardín de la Luna – 2020 – traduit par Christilla Vasserot) / Epub
Résumé:
Paris, 1927. Dans le jardin du Luxembourg, un homme est retrouvé mort, poignardé. Pierre Le Noir, détective de la Brigade nocturne – une division de la police aux méthodes peu communes – se lance dans cette nouvelle enquête. Tout porte à croire que le meurtrier serait Jack l’Éventreur, et que le crime annoncerait une menace plus grande.
Pour éviter le désastre, Pierre part dans une course effrénée durant laquelle il croisera Robert Desnos rue Champollion, discutera avec une gargouille de la Tour Saint-Jacques, prendra un train de nuit avec Rabelais et surtout, lira entre les lignes les conseils du comte de Monte-Cristo, expert en pouvoirs surnaturels et armes secrètes.
Le Noir devra prendre garde à ses nombreux poursuivants – et par-dessus tout à la lumière de la lune.
« Solares est la main ferme et sûre qui vous guidera dans ce voyage au coeur du surréalisme et de ses fantômes. Un roman qui n’existerait pas sans volonté et courage. » – Victor del Árbol
Mon avis:
Il s’agit de la deuxième enquête du jeune policier Pierre Le Noir (après « Quatorze crocs » ) (Je vais lire la première enquête car cela me semble important pour faire connaissance de la Brigade Nocturne)
Gros coup dur pour la brigade Nocturne: l’un des leurs, le protecteur de Le Noir est retrouvé assassiné dans « le jardin de la Lune », qui se situe dans le Jardin du Luxembourg. Cette Brigade Nocturne semble bien étrange: elle est spécialisée dans les affaires spéciales et composée de personnes quelque peu hors du commun des mortels.
Il semblerait que cet assassinat soit lié à la présence de Jack l’Éventreur sur le sol français. D’ailleurs Scotland Yard est sur place (la Section des manifestations surnaturelles de la Police royale britannique).
Une enquête pleine de mystère, qui fait intervenir comme personnages les écrivains surréalistes et le mouvement dadaïste. Mais il n’y a pas que les écrivains qui sont surréalistes ; les personnages le sont tout autant… il y a les fantômes, les spectres, les mages, les amulettes ou talismans qui ont le pouvoir de rendre invisible ou de détecter les choses qui font partie de l’autre monde, les statues qui parlent, l’encre invisible, les créatures et animaux comme les chiens noirs, le métro de nuit, le train des nocturnes, le Comte de Monte-Cristo, la magie et la magicienne Mariska de Hongrie qui va aider Pierre Le Noir, les entités entre la vie et la mort.
Quant à Pierre Le Noir, le petit jeune de la Brigade, il a hérité des dons de voyance de sa grand-mère et de son amulette (même si ne sait pas trop à quoi elle sert et va devoir apprendre à s’en servir) mais n’est pas au courant de la spécificité des autres membres de l’équipe.. Ce qui est certain c’est que c’est lui qui est en grand danger et que des forces occultes sont à sa poursuite. Et qu’il va devoir fuir et combattre des monstres et côtoyer les non-humains qui l’entourent. Et toujours faire attention à la lueur de la lune. Attention « les sangliers sont entrés dans Paris »!
Si j’ai choisi de lire ce livre, c’est suite à la petite phrase de Victor del Árbol. Sans lui je serais passée à coté de cet auteur mexicain. Et cela aurait été très dommage ! J’ai été surprise, charmée, intriguée, envoutée… J’ai adoré cette ambiance parisienne surréaliste des années 30, les mystères, les indices et les textes cachés, les interactions avec les forces invisibles… Pas de doutes, je vais me procurer le tome 1 (Quatorze crocs) et la suite des aventures de Pierre Le Noir et de la belle Mariska.
Et si on rajoute le surréalisme et entre-autres Desnos et Breton … cela me titille encore davantage ( à ce sujet je ne peux que vous inciter à lire le livre magnifique de Gaëlle Nohant « Légende d’un dormeur éveillé » commenté sur mon blog)
Extraits:
À ce qu’il paraît, on ne trouve que deux sortes d’histoires dans la police : celles où tu suis la mort de près, celles où c’est la mort qui te suit.
À Paris, les fantômes ne sont pas autorisés à se montrer durant la journée. Si vous avez l’intention d’enquêter, vous devrez rester très discrets, vous déguiser en humains s’il le faut, et me tenir informé de ce que vous aurez découvert, conformément à notre traité de réciprocité.
— Ne vous inquiétez pas. Regardez, m’a-t-il répondu en montrant la fenêtre : nos plants de lavande sont là pour nous protéger.
— Vous voulez parler de ces pots de fleurs ?
— De la lavande, lavandula angustifolia, latifolia ou intermedia, quelle que soit la variante, elle a toujours été l’une de nos défenses les plus efficaces, depuis le Moyen Âge. Sa simple présence suffit à décourager les esprits malintentionnés. Et puis ça purifie l’atmosphère.
Un groupe de musiciens jouait du jazz près du comptoir : trombone, trompettes, basse, piano, violon, batterie et deux guitares flamenco.
Un client fort éméché faisait de grands signes à mon amie pour qu’elle le rejoigne à sa table.
« Regarde. Ce ne seraient pas les poètes maudits ?
— C’est Robert ! s’est exclamée Mariska, toute joyeuse. Pierre, tu te souviens de Robert Desnos ?
— Bien sûr. »
(…)
C’était un homme très aimable, le plus aimable de tous les surréalistes. Il savait plaire aux gens, avait un charme rare. On l’appelait le prophète du surréalisme, lui qui se faisait hypnotiser par Breton et qui, une fois en transe, improvisait de spectaculaires poèmes. Il prétendait parfois que ce n’était pas lui qui parlait mais le fantôme d’une certaine Rrose Sélavy, alors sa voix devenait agressive, irritable, et il assénait des prophéties à ses amis, comme s’il était en contact avec l’au-delà. Mais ce soir-là, Desnos pouvait à peine tenir sur ses jambes. Et ses camarades n’en menaient pas large non plus.
« Qui sont les autres ? ai-je demandé à voix basse.
— D’anciens surréalistes, mais aussi des dadaïstes. Leur seul point commun, c’est de s’être fâchés avec Breton : Théodore Fraenkel, Philippe Soupault, Max Morise, Michel Leiris. Là-bas, c’est Alejo Carpentier, un Cubain. Je n’arrive pas à comprendre comment Desnos fait pour vivre comme ça, dans un demi-sommeil permanent… Tu as vu les cernes qu’il a ? »
« Depuis quand est-ce que les statues parlent ?
— Parler avec elles, c’est à la portée de tout le monde. Ce qui est compliqué, c’est de savoir ce qu’elles ne disent pas et pour qui elles travaillent. »
Et il a disparu.
Les fantômes me tapent sur le système : pas moyen de parvenir au terme d’une conversation avec eux.
— Maintenant que tu sais lire entre les lignes, tu devrais lire plus de romans.
Photo : Site Gallica (BNF) Atget, Eugène photographe (recardée et passée en noir/blanc)