Lenormand, Frédéric «Élémentaire, mon cher Voltaire !» (2015)

« Série Voltaire mène l’enquête »
Tome 5 : « Élémentaire, mon cher Voltaire ! » (2015)
Editions Jean Claude Lattès – 4.02. 2015 – 318 pages / Le livre de poche – 8.02.2017 – 256 pages
Résumé : Qui en veut à la marquise du Châtelet ? Sa servante est brutalement assassinée, et la voilà aux prises avec la police… quand elle n’est pas occupée avec le brillant mathématicien Maupertuis, son amant. Son amant ? Voltaire ne l’entend pas de cette oreille ! Bravant l’interdit qui pèse sur lui depuis la parution des Lettres philosophiques, notre San Antonio des Lumières vole au secours de sa marquise.
Que ce soit dans les salons parisiens, dans les taudis sous les ponts de la Seine, dans les ateliers de couture ou dans les fabriques de poupées et d’automates, Voltaire ne recule devant aucun stratagème pour déjouer la mécanique du crime – et démontre une fois de plus que, pour un philosophe comme lui, découvrir la vérité n’est qu’un jeu d’enfant.
La Presse : Ce divertissement spirituel ravira les amoureux de Voltaire et les curieux du Paris de cette époque. Paul-François Paoli, Le Figaro littéraire.
Une enquête hilarante. Isabelle Mity, Historia.
Mon avis : Voltaire, exilé à Cirey, en Lorraine, interdit de séjour à Paris revient incognito. Pour survivre, il tente de se trouver le gite et le couvert. Le cadavre découvert chez Emilie du Châtelet n’est pas pour arranger ses affaires. Il prend un pseudo et croit que personne ne va le reconnaitre… Raté ! Il est le seul à croire que ses déguisements le rendent méconnaissable ( peut-être le trait est-il un petit peu trop forcé à mon goût mais je ne boude pas mon plaisir pour autant) . Voltaire alias Tairvol va se faire engager par Montesquieu, par Madame du Deffant, et se faire remercier très rapidement ( ils ont la vue basse mais ne tardent pas à avoir la puce à l’oreille), va tenter de se réfugier chez son ami le comte d’Argental ; et en même temps qu’il se cherche un toit, il va tout faire pour résoudre l’affaire et retrouver le responsable du crime ; hélas le cadavre ne va pas tarder à faire des petits… La police est aux trousses de Voltaire mais, consciente du fait que Voltaire est un fin limier, le laisse s’échapper pour le suivre et le laisser progresser dans ses déductions et son enquête.
Toujours autant d’esprit chez Voltaire et chez Lenormand. J’aime cet humour ravageur et intelligent! Et à lire pour l’Histoire, le contexte, le plaisir plus que pour l’enquête policière. A déguster avec modération pour savoir qu’il y en a encore d’autres à lire…
Extraits :
Une obscurité caverneuse, autant dire platonicienne, avait englouti la Lorraine, notamment une petite portion de Lorraine nommée Cirey, où la philosophie la plus avancée avait trouvé un abri provisoire qu’elle ne cherchait qu’à fuir.
Quand les femmes se mettaient à avoir raison, les philosophes perdaient leurs moyens,
C’était une boule de poils si drus qu’on pouvait douter s’il y avait un chat dessous : tout bouffi de fourrure épaisse, des yeux jaunes cernés de noir moins charmants qu’inquiétants, comme ceux d’un loup, avec un front barré de deux traits sombres qui donnaient l’impression qu’il fronçait les sourcils.
— Quel bon vent vous amène ? demanda-t-elle sur un ton aussi convaincant que celui d’une débutante à la Comédie.
C’était un vent de suspicion.
— Monsieur, mon honneur est entre vos mains ! dit Émilie.
Comme il les serrait justement dans les siennes, c’était vrai.
— Pourquoi vous associez-vous toujours à des escrocs ? lui reprocha l’abbé.
— Si j’avais une auréole, je m’associerais à sainte Blandine, rétorqua le fugitif, son sac sous le bras.
Cher monsieur, les femmes ne mentent pas, elles voient la réalité différemment !
ils se grugèrent l’un l’autre, ce qui constitue généralement une bonne base pour un accord.
— Pas du tout, ma chère, c’est un trait de caractère dont je suis exempt.
Il pensait « l’extravagance », elle comprit « la reconnaissance ».
— Oui, vous essayez toujours de remettre de l’ordre après avoir tout chamboulé.
— Bravo, ma chère, vous venez de définir l’essence de la philosophie !
Des mannequins sans tête, au cou terminé par une poignée en bois qui permettait de les déplacer sans peine, parurent à l’écrivain une illustration de la condition humaine : des êtres sans cervelle, aisément manipulables.
Un cadavre, un philosophe, c’était trop, il fallait se débarrasser de l’un des deux, et Voltaire était plus néfaste que les morts, il bougeait davantage.
— À quarante ans, il faut se guérir de ses défauts, dit la marquise : ils ont cessé d’être mignons.
On dévouait sa vie aux sciences exactes, on affichait une morale presque sans tache, on entrait à l’Académie, et puis voilà, subitement, l’accident : on rencontrait Voltaire.
Seul un bon artiste est capable de se renouveler tout en restant lui-même, affirma Voltaire.
Pascal ! Voltaire comprit ce qui lui déplaisait chez cet homme : il possédait sous le chapeau un morceau de l’auteur des Provinciales, ce janséniste surévalué qu’il avait fortement égratigné dans ses Lettres philosophiques.
— Chaque femme a le droit de vivre un conte de fées au moins une fois dans sa vie !
— Dans les contes de fées, le crapaud se transforme en prince charmant ; dans la réalité, c’est le contraire ! la prévint-il.
C’était le moment d’avoir le discours et la méthode.
« Série Voltaire mène l’enquête »
Image: marquise du Châtelet